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La métaphore ou les métaphores

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Tayeb Zaid

Les figures de style ou figures du discours comme les nomme Fontanier constituent l’ensemble des moyens linguistiques que la langue offre à ses usagers pour leur permettre d’exprimer un fait courant de manière imagée et recherchée. Elle est donc à la fois ornement et comme tel, elle revêt un caractère esthétique, poétique d’une part, et de l’autre, elle est l’expression d’un besoin, d’une nécessité de s’écarter de ce qui est plat et de tous les jours. La métaphore est l’une des figures de style les plus en usage dans le discours commun ou littéraire et poétique. Certains la définissent comme une comparaison incomplète où seuls apparaissent le comparant et le comparé à l’image de l’enthymème et du syllogisme qui sous entend l’une de ses prémisses. D’autres, au contraire, disent qu’elle consiste à remplacer un terme plutôt discret et non marqué, par un autre plus voyant et par conséquent plus marqué. Le tape à l’œil prend le dessus sur l’effacé et l’apparat sur l’autérité. Je considère que les deux définitions se valent et ont droit d’égale autorité.

Sur le plan de l’analogie formelle, je dirai donc que ce qui vaut pour la métaphore et la comparaison, vaut à un degré équivalent pour l’enthymème et le syllogisme. La métaphore est donc pour la comparaison ce que l’enthymème est pour le syllogisme (métaphore : comparaison :: enthymème : syllogisme).

Je vais essayer de faire reconnaître les différentes métaphores, car elle est plurielle, en usage dans la langue française.

1-La métaphore in praesentia : Elle est la plus commune et par conséquent la plus en usage dans les discours.

-‘’ Ma mère rayonnait de joie’’1

Si l’on considère que la métaphore est une comparaison à laquelle manquent certains termes, on peut donc les lui restituer :’’ Ma mère rayonnait de joie comme un astre lumineux’’. Mais comme la comparaison employée avec le subordonnant ‘’comme’’ est généralement elliptique où dans la plupart de ses emplois elle dissimule le point de comparaison, je vais tenter de combler le vide laissé par l’ellipse : Ma mère rayonnait de joie comme un corps céleste de lumière’’

Si à présent, on considère que la métaphore consiste à remplacer un terme moins marqué par un autre plus imagé et plus recherché, on dira dans le cas de cet exemple : ‘’Ma mère souriait de joie’’ que cette phrase ainsi formulée n’est ni une métaphore, ni encore moins une figure de style, que pour qu’elle le soit, il est nécessaire de remplacer le mot ‘’souriait’’ par le mot ‘’rayonnait’’ afin d’obtenir cette association ‘’ma mère rayonnait de joie’’.

On peut indéfiniment multiplier les exemples de métaphores in praesentia qu’on peut aisément manipuler:’’ Je nageai, un bon moment, dans une lumière rouge’’6 qui pourrait devenir une comparaison : ‘’Je nageai, un bon moment, dans une lumière rouge comme un poisson dans l’eau’’, ou bien une phrase commune qui n’est ni une métaphore, ni une figure de style :’’je contemplai, un bon moment, une lumière rouge’’

2-La métaphore in absentia ne peut être évidente que dans le contexte où elle a été énoncée. En dehors de son contexte, elle n’a aucun sens. Je vais donner deux exemples de deux romans différents.

a-‘’Zoram et Zanam, m’ayant empoigné à bras le corps, me jetèrent au pied de la nymphe du torrent’’1

Pour comprendre ce à quoi renvoie’’ la nymphe du torrent’’, le lecteur doit revenir à la page24 pour s’apercevoir qu’il s’agit de Nova :’’J’allais le plaisanter sur son air mélancolique quand j’aperçus la femme, juste au-dessus de nous, juchée sur la plate-forme rocheuse d’où tombait la cascade’’3

b-‘’La pièce reprit son aspect de tous les jours. Un rayon de soleil anima la mosaïque décolorée’’4

La métaphore fait référence au retour à la maison de la mère que son fils attendait dans la crainte d’avoir été laissé seul. La présence de la mère est pareille à un rayon de soleil.

C-La métaphore filée se développe sur plusieurs lignes, voire sur tout un paragraphe.

Créon :’…Il faut pourtant qu’il y en ait qui mènent la barque… Cela prend l’eau de toutes parts, c’est plein de crimes, de bêtise, de misère…Et le gouvernail est là qui ballotte. L’équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu’à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d’eau douce pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu’elles ne pensent qu’à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires….On prend le bout de bois on redresse devant la montagne d’eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui avance. Dans le tas !cela n’a pas de nom….’’5

Cette métaphore filée qui se développe sur toute une tirade renvoie à une réalité bien triste où le métaphorique et le réel vont de pair dans une correspondance de terme à terme : La barque #la patrie ; la tempête# une émeute ; le gouvernail# la perte du pouvoir par le chef d’état ; l’équipage# le peuple ; piller la cale # les scènes de pillage et d’insubordination ;les officiers# les hommes d’état, les ministres… ;se construire un petit radeau# se sauver avec les richesses du pays ; La mât craque, le vent siffle, les voiles vont se déchirer# la pays qui va à sa ruine…..

Comme on peut le constater, la métaphore filée se développe sur un long espace du discours.

 

1-Ahmed Sefrioui, La Boîte à Merveilles, Librairie des Ecoles-Casablanca : page 45

2-Pierre Boulle, La planète des singes, Pocket, page 81

3-idem, page 24

4-Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles, Librairie des Ecoles-Casablanca page 80

5-Jean Anouilh,Antigone, La table Ronde, page81

6-Ahmed Sefrioui, La boîte à merveilles, Librairie des Ecoles- Casablanca :page141

Tayeb Zaid

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