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Les paradoxes de l’évolution : quand un avantage devient un handicap

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Association Marocaine des Maladies Auto-immunes et Systémiques
Les conclusions de la journée de l’auto-immunité

La journée de l’auto-immunité s’est tenue le samedi 24 novembre à Casablanca, sous la présidence du Professeur Loïc Guillevin, président de la Société Française de Médecine Interne et sur le thème de « prédisposition génétique et maladies auto-immunes et systémiques », avec l’examen en particulier de la spondylarthrite et de la maladie cœliaque.

Au total, les nombreux thèmes de cette manifestation ont fait l’objet d’interventions de la part successivement des Pr ou Dr Amal Zerrak, Abdelhamid Mohattane, Bouchaib Elmessaoudi, Corinne Miceli-Richard, Souad Ouhadi, Nawal Kanouni, Fouzia Chraibi, Said El Kettani et Fatima Ailal. Des précisions ou éclairages particuliers ont également été apportés par les modérateurs, les Pr ou Dr Ali Hda, Khalil Bourezgui, Hassan Elkabli, Redouane Niamane, Ahmed Adlouni, Abdelhaq Abkari, Sellama Nadifi et Saïd Nejjar. Des représentants du monde associatif français ont participé à ce colloque en la personne de Mmes Brigitte Jolivet et Catherine Rémilleux-Rast, présidente et vice-présidente de l’association française des intolérants au gluten (AFDIAG) ainsi que de Mme Anne Leleu, responsable à l’association française de Gougerot -Sjögren (AFGS). De nombreux responsables et membres d’associations marocaines de défense des malades cœliaques étaient également présents sans oublier des fabricants-distributeurs de produits sans gluten.

L’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) dresse un bilan de la manifestation en en exposant, ci-après, quelques uns de ses points forts.

Les paradoxes de l’évolution : quand un avantage devient un handicap

Le Dr Moussayer, présidente d’AMMAIS, a évoqué d’abord en introduction un des paradoxes actuels de l’état des maladies auto-immunes : celles-ci paraissent actuellement en progression partout dans le monde (on parle quelquefois d’une « épidémie silencieuse » des maladies auto-immunes) ; le processus évolutif aurait dû pourtant normalement provoquer au cours des siècles une diminution des individus atteints de certaines de ces pathologies car elles provoquent en général un risque de décès supérieur à la moyenne. Pour mieux comprendre ce phénomène, des chercheurs ont étudié la structure de régions du génome connues pour être liées à la maladie cœliaque chez des Sahraouis : elles se sont révélées associées à des gènes donnant une réponse immunitaire plus forte. Les Sahraouis prédisposés ou atteints de la maladie cœliaque possèdent un profil génétique donnant aussi à leurs organismes une meilleure capacité de réponse aux infections. Cette cohabitation génétique d’un risque et d’un atout a représenté autrefois un avantage de survie très supérieur à l’inconvénient d’une maladie cœliaque. Ce bénéfice est maintenant « contre-productif » du fait du progrès (meilleure maîtrise des maladies infectieuses) et des modifications des comportements alimentaires (introduction du gluten pour les Sahraouis). L’inadaptation de notre patrimoine génétique aux conditions actuelles est donc une des explications à la recrudescence de certaines maladies auto-immunes.

Les spondylarthropathies : des avancées dans la prise en charge

Sur ce sujet, se sont dégagées les constatations suivantes :

– une forte prédisposition familiale : environ 20 % des collatéraux au 1er ou 2e degré des personnes atteintes auront la même maladie ou un psoriasis, une maladie de Crohn ou encore une uvéite.

– le caractère non discriminant mais parfois utile du marqueur HLA-B27 : si 88 à 95% des personnes atteintes sont positives à ce marqueur,  8 % de la population présentent aussi cette caractéristique. La survenue d’une uvéite antérieure associée à l’ HLA B27 est le plus souvent le signe d’une spondylarthrite.

– un long délai – de 7 à 10 ans – entre l’apparition des symptômes et leur traitement : le diagnostic précoce est en effet difficile  par manque de signes objectifs. L’amélioration récente des différents moyens d’imagerie (IRM principalement mais aussi scanner et échographie ostéo-articulaire)  assure toutefois désormais une aide réelle .

– le caractère incontournable des biothérapies, principalement les anti-TNF alpha : ces molécules ont une efficacité clinique dans plus de 60 % des cas à formes sévères, avec une amélioration significative des signes inflammatoires à l’IRM. Leurs effets structuraux sont même possibles. Leur coût est toutefois un frein important à un emploi plus large, d’autant plus que leurs effets encore suspensifs peuvent imposer de longs traitements.

La maladie cœliaque : des recommandations sur le dépistage de la maladie et la disponibilité des produits sans gluten

Concernant cette pathologie, les préconisations suivantes paraissent s’imposer :

– le dépistage des groupes à risque comme le préconise en 2012 la ESPGHAN (Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition). La maladie a changé de visage : classiquement considérée comme celle du nourrisson, on la découvre maintenant de plus en plus chez l’enfant plus âgé et l’adulte, ainsi que sous des formes asymptomatiques ou oligosymptomatiques. Pour chaque cas détecté, 8 resteraient ignorés. Face à ce phénomène, un « screening » est nécessaire en particulier chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes qui peuvent s’associer au développement d’une maladie cœliaque  (diabète de type1 surtout mais aussi, thyroïdites, Gougerot, lupus…) ainsi que chez les membres de la famille d’un malade.

– l’utilisation des outils génétiques dans ce cadre. Les marqueurs HLA DQ2 et/ou DQ8 sont présents chez pratiquement toutes les personnes atteintes et leur absence suffit à écarter ce risque.

– la nécessité de nouvelles étudesépidémiologiques pour apprécier son étendue, en particulier dans le sud saharien : une étude de l’OMS sur des enfants sahraouis en 1999 avait révélé une prévalence de 5,6 %, soit le plus haut taux connu au monde. Si des épidémies de gastroentérites et de diarrhées avaient certainement amplifié le nombre de cas, il n’en reste pas moins que ce taux démontre une forte susceptibilité à contracter la maladie.

– l’amélioration de la disponibilité des produits sans gluten et de leur étiquetage. Si le principe du régime paraît simple, son observation est plus problématique car le gluten est présent dans de nombreux produits divers et insoupçonnés : médicaments, rouges à lèvres, rince-bouches, dentifrices, colles, bonbons, sauces à salade, plats cuisinés… Un projet de loi est en discussion sur l’étiquetage général des produits alimentaires et il paraît indispensable qu’il prévoit des dispositions sur le « sans gluten ». Il faut œuvrer aussi pour une offre suffisante du « gluten free » dans la grande distribution, comme dans des magasins spécialisés ou en pharmacie.

Focus sur les Vascularites, l’Epigénétique et les Maladies Monogéniques

Outre les 2 pathologies développées ci-dessus, d’autres points ont été abordés.

A propos des vascularites, le Pr Loïc Guillevin a notamment indiqué qu’elles ne sont pas des maladies héréditaires transmissibles (pas de transmission monogénique) mais qu’elles sont multifactorielles avec une intrication de l’environnement et de la génétique. Les polymorphismes génétiques déjà mis en évidence (HLA-DR4 et maladie de Horton, HLA-B51 et maladie de Behçet…) pourraient permettre dans l’avenir de définir le pronostic, de prédire les rechutes et de faciliter les choix thérapeutiques.

Le Pr Corinne Miceli-Richard a exposé les mécanismes de l’épigénétique, une voie récente de la génétique qui étudie les modifications dans l’expression des gènes sans modification de l’information contenue dans les gènes eux-mêmes (ses travaux en ce domaine portent plus précisément sur la maladie de Gougerot –Sjögren).

Enfin, le Pr Fatima Ailala exposé la problématique des maladies auto-immunes monogéniques. Si la grande majorité des affections auto-immunes est polygénique, il existe quelques exemples d’affections monogéniques qui ont contribué à mieux comprendre la pathogénie de l’auto-immunité. Les trois principales atteintes connues – les syndromes APECED, IPEX et les syndromes prolifératifs auto-immuns dits ALPS – sont caractérisées par un défaut de régulation des lymphocytes T, défaut secondaire à des mutations sur les gènes de certains facteurs de transcription. Ces mutations sont responsables de maladies extrêmement rares mais très sévères chez l’homme et d’apparition le plus souvent précoce.

 

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