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LE JOURNAL- LA 2ème LECTURE / ÉGYPTE : LA VOIE VERS LE 30 JUIN

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COLONEL MOHAMED MELLOUKI

LE JOURNAL- LA 2ème LECTURE

ÉGYPTE : LA VOIE VERS LE 30 JUIN

Ainsi est dénommée, depuis quelques semaines, par plusieurs médias égyptiens, la détermination de l’opposition locale à en découdre avec le nouveau pouvoir des Frères Musulmans, perçu comme un usurpateur de la Révolution. Dans l’article intitulé ‘ La poudrière égyptienne’ publié sur le Web le 11/1/2013, je disais que dans le lot des changements de régimes intervenus au cours du ‘Printemps arabe’, si les révolutions tunisienne et libyenne étaient appelées à se stabiliser plus ou moins dans un des systèmes de gouvernance traditionnels et sur la base d’un consens constitutionnel entre les différents courants en lice sur le nouvel échiquier politique, celle égyptienne aura plutôt tendance à  prendre une connotation particulière sur le modèle de sa consoeur française de 1789, par l’instauration d’un esprit frondeur appelé à gicler à tout bout de champ, qui mènerait la vie dure aux futurs dirigeants. Depuis la publication de cet article, la contestation  populaire rythme, en effet, la vie égyptienne au quotidien, au point de paraître comme un phénomène épidermique démangeant, inoculé par un esprit de vigilance politique contre tout risque de retour des démons d’une dictature qui aura simplement changé de visage. Le nouveau régime des Frères Musulmans, appuyé par certains mouvements extrémistes dont la frange salafiste jihadiste, accusé de planifier sournoisement, sous les auspices de sa Confrérie, sa stratégie en vue de l’adoption progressive d’un pouvoir théocratique inspiré du modèle iranien, est en bute à une farouche opposition qui, au fil du temps, s’amplifie en exigences et s’étend dans l’espace pour couvrir l’ensemble du pays. Le Mouvement ‘ Tamaroud’ ( rébellion) se veut l’incarnation et le fer de lance de cette grogne décidée à corriger et compléter l’œuvre révolutionnaire de son prédécesseur ‘ Dégage’ qui a abouti à la révolution du 25 janvier 2011 et l’éviction de Moubarak. Agissant à visage découvert, narguant le Pouvoir, ce Mouvement de masse auquel on ne connaît ni leader ni théoricien déclaré, appelle à une manifestation monstre pour le 30 juin prochain, et collectionne partout, pour la circonstance, des adhésions qui, à se fier aux nouvelles en provenance de ce pays, présagent d’un véritable ras de marée humaine probablement inégalé dans l’Histoire, puisque le niveau de participation est évalué, dores et déjà, à une quinzaine de millions de volontaires. Il ne remet pas moins en cause que l’élection du président Morsi à la tête de l’État, en exigeant, à peine un an après, une nouvelle élection présidentielle anticipée. En fait la manœuvre tend, plutôt, à une destitution plus ou moins voilée d’un président considéré comme un simple pantin d’une Confrérie à laquelle il continue, en dépit de son rang et de sa fonction, à témoigner allégeance et exécuter ses volontés. Depuis trois semaines pratiquement, l’atmosphère a tendance à se chauffer graduellement et irréversiblement.  Un sit-in  tenu principalement par des intellectuels et des artistes dont on connaît l’impact sur la masse assiège toujours le département de la Culture, exigeant la démission du Ministre. Une incursion de jeunes révoltés dans les locaux administratifs d’une province en a fait évacuer manu militari le Préfet. Le corps de la magistrature dont la majorité croise le fer depuis- et à cause- le limogeage de l’ancien procureur général et la promulgation de la nouvelle Constitution, bascule dans sa majorité en faveur de la contestation. Le bâtonnier général du pays se met de la partie et vient de promettre, le 20 courant, d’initier une procédure judiciaire de destitution du président dont le Club des officiers de Police, comptant 36.000 membres, réclame lui aussi la démission. Les femmes ne sont pas en reste ; le 21 courant, elles ont barré la route au président qui se rendait à la Prière du Vendredi.

Il est évident que si le Pouvoir passe actuellement un mauvais quart d’heure, il ne croise pas pour autant les bras et n’a nullement l’intention de se laisser déborder, et encore moins de paraître comme une proie facile. Sonnant, de son côté, le rappel de ses troupes et affûtant, lui aussi, ses armes, il semble planifier une riposte à la mesure de la menace. Le nombre de ses partisans, sa force financière, son assiette sociale, sa structure militaire- milice aguerrie dans les rangs de Hamas- qui vient d’être dévoilée récemment, et ses alliances extérieures, dont notamment cette centrale palestinienne dont certains n’excluent pas une infiltration et une participation aux côtés de la mouvance islamiste, sont évidemment à prendre très au sérieux. Plusieurs de ses dignitaires, politiques et religieux, poussent à la confrontation ouverte et n’excluent pas de recourir à des méthodes radicales. Se substituant au Jugement Dernier, ils vouent dès ce monde à la géhenne l’opposition qu’ils qualifient de ramassis de mécréants, incitant, ainsi implicitement, les esprits faibles au meurtre. Un ex-candidat à la présidentielle, invalidé pour cause de confusion dans sa citoyenneté et soupçonné depuis les évènements de janvier 2011 de parrainer une mouvance islamiste assez mystérieuse ne s’est pas gêné en pleine émission télévisée de pousser à un affrontement armé avec le Mouvement ‘Tamaroud’, quitte à sacrifier pas moins de 10.000 vies. Dores et déjà on a vu brandir dans un gigantesque meeting organisé par des islamistes, le 21 courant, d’immenses posters alignant des cordes de pendaison au dessus de quatorze portraits de journalistes de l’opposition, parmi les plus en vue du pays.

À une semaine de la confrontation, tout indique, donc, que les ingrédients d’un dérapage d’un côté comme de l’autre semblent suffisamment réunis, et que la machine conflictuelle qui a apparemment atteint un degré de non retour est condamnée à s’emballer à la moindre étincelle. Il semble, cependant, impensable qu’une telle menace de déflagration qui risque de faire réveiller, le 30 juin prochain, le pays sur une hécatombe, ne  provoque pas l’immixtion d’un troisième facteur : l’Armée. Autant le Pouvoir s’efforce de cantonner cette dernière dans la mission classique de défense du pays, autant l’autre camp s’échine à la pousser à reprendre les commandes de l’État, après l’avoir diabolisée durant six décennies et tout fait dès le lendemain de la Révolution du 25 janvier 2011 pour la faire rentrer dans ses casemates. Sa position est pour le moment équivoque. Le général Sissi, ministre de la défense, s’est fendu, certes, à plusieurs reprises de déclarations rassurantes à l’égard du peuple ; mais toute la question est, précisément, de savoir dans quel camp se situe, pour le général Sissi, le peuple, et quelle signification prend-il dans son lexique ? …

A suivre

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